Expédition 2019

Voici le résumé de l'aventure de la saison de récolte 2019. De la nature sauvage, des moments intenses, des morilles bien sûr, et beaucoup d'émotions.

Crédit photos : Arnoul Mateo (Morilles Sauvages). De gauche à droite : fin d'une belle journée de récolte de morilles blondes et grises. / Vue sur la route le long du lac Kinbasket, première zone de récolte de la saison. / Fin d'une grosse journée de récolte (3 personnes) en fin de saison.

Première partie : Valemount et les montagnes Rocheuses

Crédit photo : Arnoul Mateo (Morilles Sauvages). Lake Kinbasket au coucher de soleil.
Crédit photo : Arnoul Mateo (Morilles Sauvages). Lake Kinbasket au coucher de soleil.

Le 10 mai, c’était le grand départ de l’expédition 2019. Direction la nature sauvage et les grands espaces canadiens, pour vous ramener les précieuses morilles de feu.

La première zone de récolte est située dans une vallée proche du lac de Kinbasket, sur les premiers contreforts ouest des rocheuses canadiennes, aux environs de Valemount. Les ennuis ont commencé dès le trajet, avec notre véhicule qui fait des siennes, et perd de l'huile. La saison s'annonce mouvementée d'un point de vue purement mécanique.

Cependant, les paysages grandioses nous font rapidement oublier nos premiers soucis. Il faut traverser 60 kms de piste en terre pour atteindre la zone de récolte. C’est long, mais la vue sur les vallées, les pics acérés, et sur les avalanches dévalant les pentes est époustouflante. On croise plusieurs ours noirs qui déguerpissent dans les fourrés en nous voyant arriver.

La vallée est impressionnante. Très pentue. Le feu a ravagé la totalité des forêts du secteur, laissant un paysage calciné aux allures de désert de cendre. La partie s’annonce donc plutôt rude pour notre petit groupe de 4 cueilleurs.

Les premiers jours permettent de petites récoltes, mais le printemps est pour l’instant très sec. Dans ce paysage désolé, la nature reprend petit à petit le terrain cédé a l’incendie estival. Les colibris nous rendent visite et quelques gélinottes couvent leurs œufs sur le sol forestier.

Crédit photos : Arnoul Mateo (Morilles Sauvages). De gauche à droite : Dans cette vallée, les paysages sont désolés. / La cueillette des premières morilles est une toujours une grande satisfaction. / La douche est plutôt rudimentaire, mais la vue est belle.

Nous séchons nos tout premiers kilos de morilles. Les conditions de récolte sont particulièrement difficiles. Les dénivelés escaladés chaque jour sont impressionnants. Nous entendons depuis notre campement le grondement des avalanches qui descendent encore des sommets, situés à à plus de 2000 m d'altitude. Malgré nos efforts, les récoltes restent maigres. Nous espérons une pluie qui ne vient pas. L'heure du premier choix de notre saison arrive alors. Faut-il persévérer sur ce terrain difficile mais avec très peu de cueilleurs, ou monter sur une zone beaucoup plus au nord, d'une surface 10 fois plus grande, mais avec probablement beaucoup d'autres cueilleurs ? Après 2 jours supplémentaires de mauvaise récolte, la décision est prise. Direction le nord, et la seconde étape de notre saison, Fraser lake !

Crédit photos : Arnoul Mateo (Morilles Sauvages). De gauche à droite : On ne trouve pas que des morilles durant la saison. / Notre cher Nissan Pathfinder, dans l'unique partie de la vallée qui n'a pas été calcinée. / Amélie Poulain, façon Morilles Sauvgaes. / Un colibri trop curieux qui est rentré dans notre voiture par la fenêtre, lorsqu'elle été garée. Nous l'avons rapidement attrapé pour éviter qu'il ne se cogne partout, puis relâché.

Seconde partie : Fraser Lake, de mi-mai à mi-juin

Crédit photo : Arnoul Mateo (Morilles Sauvages). Couché de soleil lors d'une partie de pêche sur Helene lake.
Crédit photo : Arnoul Mateo (Morilles Sauvages). Couché de soleil lors d'une partie de pêche sur Helene lake.

Nous voilà donc partis pour une nouvelle zone de récolte. Après avoir chargé la voiture, couvert de paquetage le moindre cm2 disponible, et fait le plein d'essence (et d'énergie), on décolle vers le nord, pour une bonne journée de conduite. La destination : Fraser Lake, petite commune à environ 2 h de Prince George, sur le plateau intérieur de la Colombie-Britannique.
A peine arrivés dans la localité, et on s'enfonce pour une trentaine de kilomètres sur une piste forestière. C’est une zone incendiée immense (120 000 ha), parcourue de nombreuses pistes adjacentes, menant à différentes vallées. Un plateau a 800 mètres d’altitude, parcouru de nombreuses vallées avec quelques sommets à 1000 m. C’est un paysage déroutant. L’industrie forestière, comme souvent ici, a laissé sa marque sur le paysage. Les coupes à blanc sont nombreuses, donnant au décor des airs lunaires.

Les ours  ne sont jamais bien loin...
Les ours ne sont jamais bien loin...

Nous nous installons près d’un lac, isolés de la piste forestière principale. Les débuts sont particulièrement peu fructueux et déroutants. Nous peinons à trouver des parcelles de bois encore sur pieds où trouver nos morilles. La météo est trop sèche depuis un moment maintenant, et la concurrence est rude avec un grand nombre de cueilleurs dans le secteur de Fraser lake. Nous enchainons de longues journées éreintantes. Levés aux aurores, on parcourt différentes vallées, expositions, types de forêts, pour tenter de comprendre où se cachent les morilles. On rentre souvent tard le soir, avec bien peu de morilles. Les 2 deux premières semaines sont donc particulièrement décourageantes.
Cependant, à d'autres endroits de ce feu gigantesque, certains cueilleurs ont fait de superbes récoltes. Ce qui nous pousse à persévérer, malgré les dépenses qui s'accumulent. On échafaude des plans B, et C, au cas où nous devrions tenter notre chance encore ailleurs. On entend de nombreuses rumeurs. Telle vallée tout au nord de la Colombie-Britannique donne depuis le début de la saison des résultats fantastiques, mais la seule route d'accès est barrée par les premières nations... Les feux au Yukon s'annoncent prometteurs, mais ils sont difficiles d'accès...
C'est difficile d'être certain que ces informations sont justes. De plus, notre véhicule fait des siennes, et ne pourra probablement survivre à une autre expédition vers le nord de plusieurs centaines de kilomètres.

Heureusement, pour nous consoler, nous avons la pêche. Le lac en bas de notre campement, bien que difficile d'accès, nous permet de faire des pêches quasi miraculeuses. Il suffit de lancer sa ligne depuis le bord pour ferrer d'énormes truites aux couleurs vives. Il est bien rare de lancer plus de deux fois sans avoir une attaque. Nous empruntons le canoë d'un de nos amis et passons une mémorable soirée à rire, prendre des truites et admirer le coucher de soleil sur les collines environnantes. On mange donc de la truite à toutes sauces. Notamment mon "célèbre" pain de poisson, réalisé avec les moyen du bord, en le glissant dans le poêle à bois sur des braises encore chaudes. Ce genre de bons moments mettent un peu de baume au cœur au milieu d'une saison jusqu'alors presque catastrophique...

Il y a aussi la faune sauvage. On espère toujours voir des animaux, bien qu'on reste sur nos garde pour éviter des rencontres dans de mauvaises conditions (mieux vaut ne pas surprendre un ours au coin du bois, ou croiser une mère élan avec ses petits).  Une nuit, bien au chaud dans ma tente, j’ai même la chance d’entendre les loups hurler et se répondre d’une vallée à l’autre, pendant une bonne heure.

Crédit photos : Arnoul Mateo (Morilles Sauvages). De gauche à droite : Malgré les difficultés, on arrive de temps à autre à trouver un coin suffisament bon pour remplir notre seau. / Un mâle de Spruce grouse (Gelinotte de l'épicéa), un des nombreux représentant de la faune locale, facile à observer dans les bois./

Et puis, à force de persévérance, on fini par faire quelques belles récoltes. Pas encore fantastique, mais de quoi se donner un peu de motivation pour poursuivre la saison. Déjà, vers la fin mai, certaines équipes partent tenter leur chance ailleurs. Plus au nord, à Telegraph creek, ou jusqu'au Yukon. Nous tentons de persévérer à Fraser Lake (bien aidé il est vrai dans la décision par notre voiture, prête à rendre l'âme a tout moment).
Nous trouvons une première zone favorable à une trentaine de km de piste au nord de notre campement. Une succession de petit plateaux marécageux. Comme souvent aux morilles, c'est un coup du destin qui cette fois nous à souris. Nous explorons un coté de la route depuis un moment et ne trouvons pas une morille. Au moment de repartir, je décide tout de même d'aller vérifier le coté opposé de la piste (c'est pourtant rarement moi le plus persévérant de la bande). Après 10 min, je trouve quelques morilles. Nous décidons donc de pousser un peu, et allons explorer le plateau juste en dessous de nous, qui semble plus marécageux (et donc potentiellement plus humide durant cette période de sécheresse). Notre préssentiment était bien le bon, puisque c'est un superbe coin. Nous récoltons rapidement quelques dizaines de livres de morilles. Nous arrivons juste un peu trop tard, donc la qualité n'est pas incroyable. Qu'a celà ne tienne, nous les vendrons toutes aux acheteurs. Enfin une première récolte sérieuse.

C'est aussi dans ce secteur que nous nous ferons notre première frayeur. Alors que nous remontons le petit plateau, les yeux rivés au sol pour traquer les morilles, nous entendons à énorme grondement à une vingtaine de mètres de nous. Je pense tout de suite à un ours, et dit à Sofia, la colombienne de l'équipe, de me rejoindre (mieux vaut avoir l'air d'un groupe soudé lors d'une rencontre avec un ours). Mais c'est bien un énorme élan qui se lève avec fracas. Il nous domine de toute son immense stature, et nous toise nerveusement. Nous reculons à pas discret, pour lui montrer que nous ne sommes pas ici pour le menacer. C'est alors qu'a se pied se dresse flagellant un tout petit élan, probablement né il y a seulement quelques jours. La mère attend un moment que nous nous éloignions, puis s'échappe à pas mesurés, son petit à ses trousses. Une chance qu'elle n'ai pas choisi la charge comme mode de défense...

Exactement au même endroit, quelques semaines plus tard, ça sera au tour d'une mère ours noir et ses petits de nous causer un bon moment de stress. Alors que nous remontions en cueillant des morilles en direction de la route forestière, un camion de transport de bois est passé à pleine vitesse sur cette même route. Du bosquet le long de la piste se sont échappés deux oursons, effrayés par le passage de mastodonte à roues. Paniqué, ils ont foncé et nous ont frôlé sans même prêter attention. Mon ami Coco a même failli se faire renverser par les deux grosses boules de poils. Ca aurait pu rester une histoire drôle si la mère n'était pas sortie des buissons quelques secondes plus tard. C'est une des cas de figure les plus dangereux dans les rencontres avec les ours. Se retrouver entre la mère et ses petits. Nous nous sommes rapidement mais tranquillement rassemblés, nos bear-sprays à la main, en parlant doucement mais fermement à l'ours en question. Heureusement pour nous, elle n'a montré aucun signe de stress ou énervement. Elle a simplement analysé la situation, nous a scruté pendant quelques temps, puis nous a contourné tranquillement. Une petite frayeur mais une bonne manière de mettre en pratique les gestes à adopter en cas

Troisième partie : Fraser Lake, mi-juin à mi juillet

Crédit photo : Arnoul Mateo (Morilles Sauvages). Couché de soleil pluvieux sur Ormond lake
Crédit photo : Arnoul Mateo (Morilles Sauvages). Couché de soleil pluvieux sur Ormond lake

Encore une fois, cette nouvelle partie de saison commence par une galère. Notre chère Nissan Pathfinder à rendu l'âme. Nous repartions vers d'autres horizons quand, à peine sortis des bois, une épaisse fumée s'est échappée du capot. Le diagnostique est rapide : joint de culasse et radiateur en miettes. Vu l'âge et le kilométrage de notre vieux tacot, ça semble être la fin de son voyage. C'est un gros coup dur dans une saison déjà difficile, où nous n'avons encore quasiment rien gagné. De plus, retrouver une voiture dans notre budget na vas pas être facile. Nous avons passé finalement plus de 6 jours coincé à Prince-Georges afin de trouver un véhicule qui fasse l'affaire. Au moment même où la morille conique sortait enfin en grande quantité. Décourageant...

Nous décidons donc de retourner sur le même feu, de Fraser Lake (n'ayant plus le budget pour rien d'autre). En revanche, nous changeons notre campement de secteur. Dans une zone beaucoup plus à l'est. Nous nous installons donc un bord d'un superbe lac. Avec des bords aménagés pour le camping. Une petite plage, des tables. Le camp sera au moins agréable à vivre. Et après quelques coup de lignes, il s'avère qu'il est également poissonneux.

Crédit photos : Arnoul Mateo (Morilles Sauvages). Les premières morilles blondes de la saison ! / Voici une belle fin de journée de récolte, avec des conica, des blondes et des grises / Un beau mélange de grises et blondes, en fin de séchage.

A force de persévérance et d'essais infructueux, le destin nous souri enfin. Sans être fantastique, on commence à faire des récoltes correctes. C'est aussi le début de la saison des morilles grises et blondes. Nos choix sont cette fois-ci payant. On regrette d'avoir trouvé toutes ces vallées trop tard. Car vu leur potentiel pour les blondes et les grises, et le nombre de conicas déjà pourries sur pied, la saison aurait été autrement différente si on avait trouvé ces secteurs plus tôt. Mais le moral revient peu à peu. L'ambiance se détend. On prend nos marques sur le camp. Je vous passe ici l'infinité de détails, d'anecdotes de vie. Les différentes explorations, les découvertes. Les rencontres avec la faune sauvage, les autres cueilleurs. Les soirées, les parties de pêche. Peut-être pour une autre fois. Ça prendrais trop de temps ici.

Avec le mois de juin, c'est le printemps qui arrive. Voir presque l'été. Les jours rallongent, les fleurs reprennent leurs droits sur la cendre. C'est malheureusement aussi le mois préférés des moustiques et bestioles en tout genre qui nous harcèlent jours et nuits (voilà une petite vidéo pour avoir un aperçu : https://www.facebook.com/MorillesSauvages/videos/511875899629046/). Hanna, notre collègue Tchèque, à même eu de sérieux problèmes de santé à cause des piqûres de brûlots (black flies). De tout petits moucherons (les pires) qui arrachent de petits morceaux de peau, qui provoquent des douleurs et des démangeaisons bien plus intenses que nos traditionnels moustiques. Quand le nombre de piqure est très important, certaines personnes (comme Hanna) réagissent à la salive anti-coagulante des brûlots, et se mettent littéralement à gonfler. Au point de tomber assez sérieusement malade.

Les pluies très régulières de ce mois de juin ont favorisé la croissance des morilles blondes et grises. Il a fallu cependant aller les chercher loin, et changer régulièrement de vallée de récolte pour rester sur les secteurs les plus productifs. On s'est souvent demandé si il n'était pas plus simple de changer de campement. C'est une partie de poker constante. Pendant ce mois, on a beaucoup rampé sous des troncs. On a bien souvent escaladé les mikados (enchevêtrement de troncs tombés au sol). On est beaucoup tombés. On a pesté, crié de douleur, juré. On a encore croisé des ours. Traversé quelques rivières, trouvé quelques super coins. On s'est encore despespérés, puis on a retrouvé espoir. On a eu également la chance de trouver des morilles vertes. Sorte de morille allant du vert sombre au noir. Possédant trois parois interne. Elle sont très lourdes et dense. On les appel en rigolant le "plomb de la forêt". Il est rare de les trouver chaque saison, et on en a trouvé quelques dizaines de kilos cette année.

On a eu un sacré paquet de galères mécaniques. La bougie d'un de nos cylindre qui a sauté. Ce qui a nous a pris 3 jours à réparer (le garagiste local nous prenant 500 $ pour l'opération). On a eu surtout 11 crevaisons au total sur la saison. Au point de monter la roue de secours, puis d'avoir de nouveau la roue de secours de crevée, ainsi que 2 autres pneus. On a donc du faire du stop sur les routes forestières, afin d'atteindre la ville et de trouver des roue de rechange. Ou réparer nos pneus. Ce sont finalement des premières nations qui nous emmené dans la réservé afin de trouver des pneus qui conviennent. Puis, personne aux alentours n'ayant les bonnes dimensions, ils nous ont finalement conduits dans la grande ville à une heure de route, pour qu'on puisse acheter les bons pneus. Une solidarité et une gentillesse à toute épreuve, au milieu des bois, ça fait chaud au cœur.

Fin d'une sacrée journée (35 kg de morilles sur le dos), au milieu des épilobes en fleur.
Fin d'une sacrée journée (35 kg de morilles sur le dos), au milieu des épilobes en fleur.

Finalement, la saison 2019 s'est prolongée jusque tard (mi-juillet). Nous sommes partis, plus par épuisement et lassitude, car il restait encore des morilles dans les bois. A force de travail, on a réussi à atteindre notre "quota" de morilles séchées. On a clairement pas fait fortune. On est épuisés et lassés. Mais heureux. Sorte de sentiment doux-amer.

Cette saison aura été particulièrement difficile. Avec la sensation de n'être jamais au bon moment au bon endroit. Mais on a pas abandonné. On a pas lâché. On s'est accroché. Et on a vécu une sacrée aventure. Des moments dont on se souviendra longtemps. Les innombrables couchés de soleil. Les loups qui hurlent à la lune. Les ciels étoilés. Les rires et la camaraderie. Les parties de pêche. Les rencontres. La nature sauvage. Les belles récoltes... On fini toujours par retenir les bons moments. Quand le vent chasse finalement les nuages. On est heureux dans ces moments, de vivres ces instants uniques. Bien entourés. Les pieds bien ancrés sur terre, et la tête dans les étoiles.