Des morilles au gout de l'aventure

En rouge, c'est moi, Arnoul Mateo, fondateur de morilles sauvages. A droite de la photo, mon camarade français, Coco. Et à la photo, Pierre-Alexandre, ceuilleur suisse.
Record de la saison : 35 kg par personne en une matinée. A gauche (en rouge), c'est moi, Arnoul Mateo. A droite, Coco, mon camarade français. (photographe : Pierre-Alexandre, camarade suisse)

Ces morilles, que je vends, ce ne sont pas n'importe quelles morilles !

Derrière chacune d'elle, il y a de l'effort, des histoires, des feux de camp, de la sueur, des courbatures, des kilomètres et des kilomètres, le dos chargé, dans les bois, la cendre, les marais, à travers les ruisseaux, sur les pentes des montagnes. Il a fallu parfois ramper sous les troncs, se frayer un chemin dans une végétation dense, ou au contraire traverser des zones dénudées, ravagées par les incendies. Il a fallu braver le froid mordant, dégivrer la toile de ma tente quasiment chaque matin, vivre sous la pluie, s'abriter du soleil, attendre que passe les orages, et même ramasser les morilles sous une fine couche de neige.

Prendre également des risques. Les nombreuses acrobaties qu'on doit réaliser pour atteindre les morilles ne sont pas sans risque. Les chutes sur des rochers tranchants, ou des troncs bardés de branches pointues ont occasionné plusieurs blessures sérieuses dans le groupe. Le maniement de couteaux ou de cutters aiguisés, à grande vitesse et avec une fatigue accumulée, nous a également valu de profondes entailles. L’hôpital le plus proche étant à plus d'une heure de piste de 4x4 et plusieurs heures de route, un incident bénin peut rapidement prendre une tournure grave.

A la recherche des précieuses morilles, dans les forêts brulées. Crédit photo : Yacine Zid
A la recherche des précieuses morilles, dans les forêts brulées. Crédit photo : Yacine Zid

Les animaux sauvages

 

Dans les bois, il n'y a pas que des morilles, il y a aussi des animaux sauvages.

Les ours étaient présents en grand nombre dans la vallée de récolte. Les plus petits, les ours noirs, passaient parfois à quelques centaines de mètres de notre campement. Les grizzlys, les plus gros, moins nombreux, trahissaient leur présence en laissant des empreintes plus grandes que ma chaussure de randonnée (pointure 45). La plupart du temps curieux ou indifférents, très rarement agressifs, il vaut tout de même mieux éviter les rencontres fortuites avec un ours lorsqu'on a le nez rivé sur le sol, concentré sur les morilles.

C'est pourtant ce qui s'est produit pour la majorité des membres du groupes, moi y compris. Un ours noir adulte, visiblement affamé, s'est arrêté à une dizaine de mètre de nos sacs, alléché par l'odeur des "petits écoliers" au chocolat, dans nos sacs de randonnée. Il est resté un long moment, humant l'air, pas effrayé par la présence de mon collègue et moi. Puis, voyant que nous n'avions pas prévu de lui laisser la voie libre jusqu’à nos sacs contenant les biscuits tant convoités, il a fini par nous contourner et continuer son chemin.

Pour notre défense, nous avions des "bear spray" (qu'on peut voir accroché à ma ceinture sur la plupart des photos), sorte de grosses bombes lacrymogènes au poivre. Heureusement pour les yeux et les naseaux de cet ours, et pour mon rythme cardiaque, nous n'avons pas eu besoin de nous en servir. Par mesure de sécurité, cette bombe ne nous quittait jamais, même dans nos tente la nuit.

Autre animal à griffes et à croc, le Cougar, version nord-américaine du Puma, est venu nous rendre visite sur notre campement une nuit. Les quelques cueilleurs du groupe pas encore couchés ont eu le droit à une belle frayeur en voyant un fauve sortir des buissons, puis repartir vers la forêts.

Il y également les élans, qui passent pour de placides herbivores. Mais au milieu des bois, une mère et son petit, ou un gros mâle taciturne peuvent choisir de charger plutôt que de fuir lorsqu'ils croisent un cueilleur. Et un animal de plus de 500 kg lancé à pleine vitesse, même sans griffes et sans dents, peut faire beaucoup de dégâts.

Enfin, il y a l'espèce de loin la plus redoutable de l'ouest canadien : le moustique (et ses nombreux compagnons du printemps, moucherons, taons, insectes piqueurs en tout genre...). Une nuée de dizaines et dizaines d'individus, qui vous suivent du matin au soir, vous harcèlent, vous piquent à travers les vêtements, vous sapent le moral, vous couvrent de piqures...

Bien sûr, il n'y a pas que des animaux dangereux dans les bois...
Bien sûr, il n'y a pas que des animaux dangereux dans les bois...

La vie sur le camp

Au cours de la saison, deux campements ont été montés. Le premier aux alentours de Williams lake, au centre de l'état (voir "Lieux de récolte" ci-après) et le second, plus tard dans la saison, a été installé dans les montagnes de la chaine du Pacifique, sur la route de Bella Coola. Dans une vallée sauvage et isolée.
La vie s'organise autour du campement principal. Une grande tonnelle fait office de cuisine et de lieu de vie. Un foyer, au milieu du site, sert pour la cuisine et de lieu d'échange le soir, autour du feu. A tour de rôle, chacun des 9 membres de l'expédition surveille le camp, et prépare le repas du soir. Les courses sont faites pour 15 jours. Elles sont complétées de quelques belles truites pêchées dans des lacs proches du camp.
La récolte des champignons se fait sur les zones incendiées. En fonction du camp, ces zones étaient atteintes en véhicule tout terrain, ou directement à pied, au départ du camp.

Lieux de récolte 2018

Première partie de la saison : région de Williams lake.

Les premières récoltes se sont déroulées en Colombie-Britannique, dans la partie centrale entre la chaine des Rocheuses et celle du Pacifique. Cette zone de plateau est composée d'immenses forêts, de lacs, et de vastes prairies. Cette région est traversée par la Fraser river, fleuve célèbre pour ses remontées de saumons et ses immenses zones de canyons, donnant à cette partie du Canada un air de Far-West. A quelques dizaines de kilomètres de la ville de Williams lake, nous avons installés notre campement au bord de Skullow lake. Un lac idéalement situé entre plusieurs zones incendiées, où nous avons pu ramasser nos premières morilles. 

 

Après plus de 15 jours passés dans la région, nous avons dû nous résoudre à changer de zone de récolte. Le printemps 2018, très chaud et sec, dans une zone peu arrosée généralement, s'est montré particulièrement défavorable au développement des morilles.

Seconde partie de la saison : Miner lake valley, Kleena-Kleene.

Pour cette seconde partie de l'expédition, nous avons rejoint la chaine des montagnes du Pacifique, à 4 h 30 à l'ouest de Williams lake. Cette zone, plus montagneuse et sauvage, est plus proche de l'océan pacifique, et donc bien mieux arrosée. 
De plus, située à 1300 m d'altitude, la saison des morilles commencent plus tardivement dans l'année. 

Située à 1 h de piste forestière de la premières route carrossable, et plusieurs heures de la première grande ville, cette zone était protégée de tout impact humain.
Au cœur d'une vallée sauvage, entourée de pics acérés et de glaciers, la zone de récolte était située sur les pans des différentes montagnes, entre marais, lacs et zones forestières denses. 

C'est dans cette vallée isolée que nous avons réalisé l'essentiel de notre précieuse récolte.



L'equipe !

La fine équipe, plus quelques élements. Crédit photo : Yacine Zid.
La fine équipe, plus quelques élements. Crédit photo : Yacine Zid.

Parce qu'affronter la nature sauvage, les grands espaces et courir après les morilles n'est pas un parcours santé, c'est important de bien s'entourer. On est plus fort à plusieurs, et la constitution d'équipes permet de mutualiser les coûts de l'expédition. 
Nous avions une équipe internationale, diverse, bigarrée, hétérogène, joyeuse et complète. Ces personnes, je les ai côtoyées 24h/24, 7j/7, pendant 2 mois, dans de formidables moments comme dans des moments difficiles. 

Il y avait tout d'abord le doyen et grand organisateur/superviseur en chef de l'expédition, Yacine, un Suisse de Lausanne. Cinq saisons de morilles derrière lui, des dizaines d'histoires à raconter. Toujours à l'écoute et prêt à distiller son savoir avec passion.

Deux autres Suisses, l'un néophytes dans la morilles et le second qui attaquait sa deuxième saison, Piko et PA. Look qui décoiffe, tatouages, whisky américain et esprit sauvage. 

Un second français en plus de moi, Coco. Des dreads, des blagues, une bonne humeur constante, et un vitesse de récolte à faire pâlir un ours polaire.

Plusieurs locaux. La première Quebécoise, Kim, qui n'a peur ni des ours, ni de la forêt. Et toujours la main sur le coeur. La seconde, Yannie, la chanteuse du groupe, qui enchaine les notes d'opéra au cœur des bois, aussi bien qu'elle récolte les morilles. Et puis Daniel, Québecois lui aussi, qui s'est greffé à l'équipe en cours de route. Un expert ès morilles avec plus de 20 ans d'expérience derrière lui, qui a toujours un anecdote incroyable en réserve. 

Reste nos deux Tchèques favorites. Freya, ayant vécu en Suisse et en France. Grande voyageuse, joueuse de ukulélé, et qui ne failli pas à la réputation des Tchèques, grands spécialistes de la cueillette des champignons. Et puis Hana, surfeuse tatouée, voyageuse écolos, toujours prête pour de nouvelles aventures. 

Enfin, il y a de nombreux visiteurs des bois. Des Quebécois, des trappeurs d'un jour, des cueilleurs venus de tous les coins du monde, des cow-boys locaux, des premières nations, des jeunes, des vieux, qui ont toujours ajoutés un brin de piment et d'originalité à notre saison.

Le matin, avant juste avant de cueillir les premières morilles.
Le matin, avant juste avant de cueillir les premières morilles.
Le GMC, l'un des véhicules de l'expédition, au coeur de la vallée de Miner lake. Credit : Pierre Alexandre Paratte
Le GMC, l'un des véhicules de l'expédition, au coeur de la vallée de Miner lake. Credit : Pierre Alexandre Paratte